La réserve d’Ehden, Liban

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J’ai oublié qu’au Liban il était possible de parler aux arbres et de rire avec les fleurs. J’ai oublié que la ville pouvait paraitre très lointaine, que les gens pouvaient se faire oublier de temps en temps. Quand j’ai pénétré la réserve, j’ai vite connecté avec sa fraicheur, à son inquiétude à la venue de l’automne. Chaque branche qui tombe, chaque feuille qui jaunit semble lancer un message à tous ces passants d’une journée. Les pommiers sauvages ont l’air de m’ignorer. Faut-il ramasser ces petites pommes qu’on ne trouve nulle part ailleurs? J’en ramasse quelques unes pour communiquer et toucher. J’ai peur de gouter, j’ai perdu une partie de la confiance que je donnais aux humains. Faudrait-il la donner à nouveau à cette nature, le long de ses chemins

J’ai oublié qu’au Liban il était possible de s’assoir essoufflée sur une pierre déformée pour respirer la fraicheur de l’air sans pollution et n’avoir sous les yeux que la couleur verte des grands arbres sans fin. Je lève les yeux et je me dis que leur âge dépasse le mien et que mon souci de grandir n’a rien à voir avec leur souci d’éternité. Ces quelques survivants des incendies autour n’ont plus peur de rien avec la fin de l’été. Ils ont appris tellement de choses suite à leurs batailles ancestrales. Ils attendent l’hiver pour se couvrir de cette couche blanche qui les protègera pour une année encore.

J’ai oublié qu’au Liban il était possible de tout oublier, rien qu’en marchant dans une forêt; tout oublier, la guerre, les attentats et les interminables conflits qui n’en finissent jamais. La diversité de cette réserve vit pourtant en harmonie permanente. Comment fait-elle pour être en parfait équilibre ! Je lui demande, elle m’ignore. Elle ne veut pas m’avouer son secret. Elle a peur de ce que je vais en faire. Elle a déjà avoué sans doute et a été surement déçue de ne rien voir en face que le chaos et la misère.

A mon prochain passage dans cette forêt, je lui parlerai à nouveau et lui dirai ce qui est renfermé dans mon cœur. Je prendrai avec moi pleins de témoignages pour les partager avec elle et lui dirai que si la ville a oublié la nature, que si les hommes ont oublié les arbres, il faut les secouer et ils se souviendront parce qu’ils n’ont pas le choix : après tout, leur vie et leur respiration en dépendent.

J’ai oublié il est vrai mais il a suffit d’un instant avec toi.

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